LIBRE - Take a deep breath

Un mot comme une bouteille à la mer. A 34 ans, Clara avait invité un inconnu, ou pas d’ailleurs, à prendre une cuite. Enfin… L’alcool était là, mais le but principal était de passer une soirée hors du temps, à profiter, échanger, peut-être même s’arrêter de penser tout simplement. Faire une pause. Elle avait accroché cette drôle d’annonce au panneau d‘affichage de l’une des boutiques de la ville. Elle avait indiqué l’heure et le lieu de rendez-vous en précisant juste que c’était pour toute personne désireuse de se changer les idées face à la mer. A la limite, elle avait presque oublié de penser qu’elle aurait pu tomber sur un fou furieux. Mais, à la limite aussi, cela lui avait fait du bien d’agir avec impulsivité et presque insouciance. Comme autrefois. Quand Taron, Lenny, Giulia, Stella et elle n’étaient encore que des enfants. Quand Lenny était encore en vie et que Taron n’avait pas pris la fuite. Fuite qui n’en était pas une en vrai. Et puis, d’une certaine manière, Clara avait pris la fuite aussi. En choisissant de ne pas le suivre et de rester ici. Mais, voilà, après plus de deux ans au cours desquels ils s’étaient vus à peine trois fois en dehors de Surmont, voilà que, brutalement, il annonçait son retour. Retour que Clara avait attendu et qui maintenant la terrifiait. D’où l’idée d’aller s’échapper le temps d’un coucher de soleil. Alors… Elle s’était demandé. Est-ce que l’alcool pouvait véritablement faire oublier ? Ou au moins apaiser notre esprit ?

Assise sur une rocher face à la mer, elle avait posé la caisse contenant la douzaine de bières à côté d’elle et n’y avait pas touché. Pourtant, elle était là depuis presque une heure déjà. A fixer les flots. A fixer l’alliance à son doigt aussi. Clara n’était pas malheureuse, mais un éclat de son cœur était comme empoisonné depuis la mort du jumeau de son mari. Parce qu’elle savait que, depuis, celui qu’elle aimait sombrait progressivement dans quelque chose de néfaste pour lui et qu’elle semblait impuissante à l’aider à remonter à la surface. Elle voulait qu’il rentre et, en même temps, elle était terrifiée. Car rien ne serait plus comme avant… Clara secoua la tête et retint un bayement. Avec le Dolce Gioia, elle avait de quoi être occupée entre le café, le petit hôtel et la salle qu’ils étaient entrain d’aménager pour recevoir des concerts. Au moins, cela lui laissait peu de temps pour penser. Mais c’était un leurre. Car dès qu’elle se retrouvait inactive, un flot de pensées l’envahissaient alors. Finalement, Clara tourna le dos à la mer et posa la main sur l’une des bouteilles. Non… Prise d’un élan soudain, elle se leva et plongea tout habillée dans l’eau. Elle plongea, plongea et remonta finalement à la surface des flots calmes et bleutés. Elle esquissa quelques brasses puis s’allongea sur le dos. Immobile. Elle aurait aimé que quelqu’un ait vu l’annonce et décide de venir afin qu’ensemble ils vivent une parenthèse dans leurs vies déchaînées.