Clara Lockwood ○ Now this is us

Clara Maja Lockwood
née Incantato

Histoire ou Anedoctes

Juin 2018

- Je crois me souvenir que tu avais un rêve ma fille…
- Les rêves peuvent s’envoler Papa. Ils demeurent parfois à l’état de pensée.
- Je refuse que tu t’enfermes dans cette auberge en oubliant de vivre. Tu voulais voyager ! Étudier les plantes ! Quand tu étais enfant, la biologie, c’était…
- C’était quoi ?
- C’était ta vie.
- Non, ma vie, elle est là maintenant. Elle a toujours été là.
- Tu vas reprendre le Dolce Gioia. Et après ?
- Après ? Je vais vivre. Travailler, sourire, rire. Mais surtout, je vais l’attendre.


« J’ai grandi avec Taron. Ici, à Surmont. Quand nous avons choisi à 21 ans de partir ensemble voir le monde, je ne m’imaginais que pas nos vies auraient pu à ce point changer à notre retour à Surmont… Quand nous sommes partis, nous étions insouciants, plein de rêves et d’espoirs. Nous avons passé six années en Australie à alterner voyages et petits jobs. Nous étions un groupe de cinq. Cinq irréductibles amis de Surmont ayant grandi ensemble. Il y avait Taron, son frère Lenny, ma sœur Giulia, Stella et moi. De retour en Europe, nous avons posé nos valises à Londres avec Taron. J’ai pris des cours de cuisine puis j'ai commencé à travailler dans un petit restaurant. De son côté, il essayait de lancer son groupe de musique comme manager avant d’ouvrir sa propre boîte de production. Finalement trois années ont passé. Puis, l’horizon s’est voilé. Nous avons appris le décès brutal de Lenny dans un accident de voiture près de Surmont. Impossible alors de ne pas retourner sur notre terre natale. C’était il y a trois ans. Trois ans et nous sommes finalement rentrés chez nous. Le monde alors était bien différent. Une ville familière mais changée par le seul fait du décès d’un être cher. Si je suis restée, reprenant l’auberge familiale, Taron n’a pas tenu en place plus de six mois. Il a fallu qu’il reparte sur les routes.

Et il n’est pas revenu depuis.

J’ai cette alliance à mon doigt, ses souvenirs et ses appels parfois. J’ai cet amour enfoui pour toujours dans mon cœur et c’est pourquoi j’attends. Mais je suis en colère aussi. Il y a trois ans, les étoiles ont cessé de briller soudainement au-dessus de nos têtes. J’ai beau m’armer de courage, de volonté, elles refusent de se remettre à briller. Serait-ce une punition ? Est-ce que nous avons trop profité en oubliant de penser aux autres ? Était-ce un pêché de quitter cette ville merveilleuse qui a alors dû user de cruauté pour nous ramener à elle ? Ces six mois, quand nous sommes rentrés, ont été si longs et courts à la fois. Il y avait ces nuits peuplées de cauchemars. Ceux de Taron. Ces médicaments qu’il prenait et qui n’en étaient pas. Ces bons moments passés aussi dans les rues de Surmont. Et cette résolution, la mienne. Celle de continuer à vivre. J’ai donc repris l’auberge familiale. J’y ai fait des travaux. J’y ai consacré mon temps, mon âme pour en faire un endroit de retrouvailles et chaleureux. Un café apprécié, une chambre d’hôtes agréable. Pourtant, en ces lieux ensoleillés, enchantés ?, rôdent les fantômes de nos amours passés. Et alors que je continue mon travail. Les courses, le ménage, la cuisine, les services. Que nous commençons juste à aménager le café pour recevoir des concerts, le monde est chamboulé à nouveau.

Ce matin, le téléphone a sonné.
Taron va rentrer.  »

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